mercredi 21 avril 2010

La société du malaise

Alain EHRENBERG, La société du malaise, Odile Jacob,  Paris, 2010 (439 pages).

J'avais lu avec beaucoup d'intérêt il y a quelques années déjà la « trilogie » d'EHRENBERG sur l'individualisme, Le culte de la performance, L'Individu incertain et surtout La fatigue d'être soi. Voici un nouvel ouvrage qui constitue à première vue ce que l'on appellerait dans la presse un complément d'enquête sur cette très intéressante étude de société. Elle s'articule sur une comparaison entre la conception qu'ont les États-Unis et la France « des relations entre malheur personnel et mal commun ».

En d'autres termes, dans la foulée de la trilogie, « il s'agit de clarifier le fait que les relations sociales se donnent désormais dans un langage de l'affect qui se distribue entre le mal de la souffrance psychique et le bien de l'épanouissement personnel ou de la santé mentale ». Cela semble un peu compliqué -- j'avoue que le style un peu thésard de l'auteur ne facilite pas la compréhension la chose, mais l'effort consacré à la lecture en vaut la peine --, mais pourrait se résumer par cette question : comment est-on passé du Que m'est-il permis de faire ? d'un style d'existence structuré par une discipline traditionnelle au Suis-je capable de le faire ? d'un monde où « chacun peut devenir quelqu'un par lui-même en progressant de sa propre initiative » afin d'accomplir -- ou d'y tendre -- un idéal qui s'impose à chacun.
 
Contrairement à ce que l'on croit, les deux rives de l'Atlantique n'appréhendent pas le sujet de la même façon.

Un peu d'histoire nous rappellera que les États-Unis se sont faits « contre » le Vieux-Monde, et ont développé une éthique qui leur est propre. De la réforme calviniste (les pèlerins de Plymouth), à l'Indépendance et à la révolution industrielle on aboutit, je fais court, à une vision du monde, et de soi dans le monde, bien différenPte de celle des Européens.

J'en suis là, et avance à petit pas dans la première partie, sur le concept américain d'individualisme. On y voit, pour comprendre « la façon dont se formule la causalité entre le malheur personnel et le trouble de la relation sociale aux États-Unis », l'émergence du self américain, le passage de l'œdipe au Narcisse et la transformation du narcissisme en concept sociologique.

La question que, parfois, je me pose est de savoir où nous nous situons au Québec...

Présentation de l'éditeur :

« L'émancipation des moeurs, les transformations de l'entreprise et celles du capitalisme semblent affaiblir les liens sociaux ; l'individu doit de plus en plus compter sur sa " personnalité ". Il s'ensuit de nouvelles souffrances psychiques qui seraient liées à la difficulté à atteindre les idéaux qui nous sont fixés.

» Cette vision commune possède un défaut majeur : elle est franco-française.

» Comment rendre compte de la singularité française ? Et que signifie l'idée récente que la société crée des souffrances psychiques ?

» Croisant l'histoire de la psychanalyse et celle de l'individualisme, Alain Ehrenberg compare la façon dont les Etats-Unis et la France conçoivent les relations entre malheur personnel et mal commun, offrant ainsi une image plus claire et plus nuancée des inquiétudes logées dans le malaise français. »

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