mardi 21 décembre 2010

La vie est brève et le désir sans fin

Patrick LAPEYRE, La vie est brève et le désir sans fin, P.O.L., Paris, août 2010 (348 pages).

Ce n'est pas tant le désir qui m'a paru sans fin que le roman. Encensé par la critique, on parlait même d'un Jules et Jim contemporain -- ce qui n'a pas manqué d'attirer mon attendtion--, distingué par le prix Femina et publié chez un « bon » éditeur : ce roman, comment aurais-je pu ne pas me le procurer ? D'autant plus que longue était la liste d'attente à la bibliothèque.

Bien sûr, il y a Manon Lescaut, le livre et l'opéra, comme l'explique l'auteur dans le vidéo; certes la phrase est vive, la construction et le traitement des dialogues audacieux et le style, marqué d'ellipses, donne dans le moderne (pour ne pas dire le jeune). Et pourtant, la référence au roman de Pierre-Henri ROCHÉ et au film de TRUFFAUT et une allusion aux Nuits de la pleine lune de mon cher ROHMER n'y ont rien changé : ce roman de « casuistique conjugale » m'a agacé et, pis, ennuyé.

Nora revient à Paris et dans la vie de Louis, puis elle retourne à Londres dans celle de Murphy. Et encore, et toujours. On remet cela, on déprime, on remet cela encore une fois jusqu'à la conclusion quantique où cela aurait tout aussi bien pu ne pas arriver, ou arriver simultanément, un peu comme dans l'expérience du chat de Schrödinger.

Quelques personnages secondaires dont on se demande ce qu'ils font là (ils semblent se le demander eux-même) : les parents de Louis : s'agit-il de prouver que dans le couple tout est perdu, souvent à cause de la femme ? Les collègues de Murphy, trader à Londres, bientôt réexpédié aux États-Unis sont la preuve de l'inflexibilité des lois du marché et de la cruauté du libéralisme. Même le personnage gay semble incapable de « s'encoupler ».

Ce n'est pas tous les auteurs qui ont le sens de l'onomastique pour leurs personnages, et en l'espèce LAPEYRE n'est pas MODIANO : Blomdale, Laumett, Dill, Meellow...

Étant, je l'avoue grammaticalement vieux jeu, je ne cesse de déplorer des phrases comme celles-ci :
« Il [Murphy] s'est contenté de la regarder pencher la tête en chipant des cerises dans un plat en grès blanc posé sur la table du jardin. » Où le participe se rapporte au sujet « il » du verbe et non au complément « la », ce qui n'est pas l'intention de l'auteur. On ne se refait pas, et je traîne mon passé de rédacteur de lois...

Alors que le Jules et Jim se concluait sur un « ni sans toi, ni avec toi », le roman de LAPEYRE semble, toujours le chat de Schrödinger, se conclure, au choix, sur un simultané « et avec Louis, et avec Murphy » ou sur un « ni avec l'un, ni avec l'autre » ou bien « ... il est probable aussi qu'il y a une infinité d'univers où ni l'un ni l'autre n'ont jamais existé. »

Pour moi, j'en arrive à souhaiter qu'il existe un univers où je n'aurais pas lu ce roman.

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