lundi 31 octobre 2011

En lisant, en écoutant : Le grand orchestre

Jacques RÉDA, Le grand orchestre, L'un et l'autre - Gallimard, Paris, mai 2011 (116 pages).

Jacques RÉDA est un autre de ces écrivains promeneurs dont j'aime à accompagner les déambulations littéraires et qui ont fait de moi un voyageur sédentaire; les titres (chez Gallimard) suivants vous donneront une bonne idée de sa façon : L'herbe des talus, Le sens de la marche, La liberté des rues, Le citadin, Accidents de la circulation. Avec lui, on a la jouissance piétonnière et le regard paisible.

J'ignorais qu'il était chroniqueur -- et grand amateur -- de jazz. Ce nouveau récit m'a ouvert une autre avenue où je l'ai suivi avec bonheur à la découverte de Duke ELLINGTON, mais aussi le sentier de la mémoire et des amours d'adolescence -- la première Béatrice --, la musique du premier rivalisant avec les charmes de la seconde :
« Je n'y percevais pour moi que le cri du soleil dans la haie touffue d,un sentier où ma première Béatrice avait fui, agacée, parce que je restais muet, les bras ballants, sans trop savoir non plus pourquoi je l'y avais entraînée. Or maintenant que je disposais des mots voulus et surtout de la capacité de leur substituer l'éloquence des gestes, elle s'était effacée, enfoncée dans le buisson ardent de cette musique. »
Le grand orchestre n'est pas une biographie mais, outre le récit d'une découverte, l'apprentissage d'une musique et une réflexion sur le blues, ce genre dont la très pieuse Mahalia JACKSON, qu'ELLINGTON avait invitée à interprétée quelques parties de la suite Black, Brown and Beige, n'appréciait guère et disait : « ceux qui chantent le blues appellent du fond d'une fosse profonde. ».
« Le blues...
le blues n'est...
le blues n'est rien...
le blues n'est rien qu'un jour froid et blafard...
Le blues ne se connaît personne pour ami,
Jamais où il passa ne fut de nouveau bien accueilli. »
J'ai pris beaucoup de plaisir au commentaire de RÉDA sur les enregistrements réalisés les 13 et 14 avril 1953, où « au plus creux de la vague qui ne remontera que deux ans plus tard, et comment le saurait-il, Duke, pour la première fois de sa vie, s'accorde un long moment de réflexion solitaire dans un studio d'enregistrement où une contrebasse et une batterie resteront aussi discrètes que la chaise et la table d'une cellule de carme. »

Il n'est pas facile de lire un commentaire sur une œuvre musicale que l'on ne connaît pas, lequel ne pouvant constituer, quel que soit l'art de l'écrivain, qu'une évocation. J'ai donc mis à profit le service de musique en ligne auquel je suis abonné, dont le catalogue est d'une incroyable richesse, pour me constituer une liste de lecture avec tous les titres mentionnés par RÉDA. J'ai ainsi pu mieux apprécier ma promenade du côté d'ELLINGTON.

Lire l'interview avec Jacques RÉDA à propos de Le grand orchestre dans l'Affuteur d'idées

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