vendredi 21 juin 2013

Accidents de la circulation



Jacques RÉDA, Accidents de la circulation, Gallimard, Paris, 2001 (180 pages)




On peut aborder un lieu le nez dans le Michelin, le Bleu ou quelque autre Fodor, papier ou électronique, et, l'œil sur l'objectif ou bien sur le téléphone comme un face-à-main, ressentir, là où l'indique l'étoile dans une prose plate et sin gas, l'obligatoire émerveillement devant tel site ou monument, que l'on Facebookera ou Instagrammera aussitôt : c'est ainsi que se fait le tourisme. Pas le voyage, ni la promenade.


Il est, selon moi, qui irai sous peu chercher quelques ailleurs, préférable de le découvrir, ce lieu, avec un ouvrage semblable à celui de Jacques Réda, un promeneur à la longue vocation qui, par la suavité et l'humour qu'il instille à chacune de ses pages, vous mettra l'eau à l'œil de joie et de hâte d'y être déjà, même si vous n'y allez jamais.


Il n'est pas interdit de prendre ce recueil avec soi et, quittant les quartiers trop bien famés, d'arpenter des rues moins glorieuses, mais de celles où l'on vit, que ce soit un garagiste qui juge depuis le bar d'en face si le client vaut le dérangement, un pêcheur qui taquine le temps ou la bourgeoise qui chanelise toute la rue : voilà le vrai dépaysement.


On pourra, comme je l'ai fait pour les expéditions parisiennes, accompagner l'auteur un plan de la ville et un crayon en main : c'est comme si j'avais été un passager clandestin, mieux, un petit oiseau voletant mine de rien au-dessus de son épaule. Et une utilisation ludique de Google Map, n'en déplaise aux tristes sires qui méprisent, sans barguigner, l'informatique.


Par ailleurs, on y apprendra comment faire discrètement la table-ronde buissonnière, ce qui dans toute capitale ou métropole peut, appliqué aux innombrables séminaires, retraites et autres colloques, nous sauver sinon la vie, du moins un temps précieux.


Une phrase, sorte de maxime séparée en quatre segments, introduit pour le premier les récits de Paris;  le deuxième, les récits de la banlieue ; le troisième, ceux de l'Île-de-France ; et le quatrième, ceux de Lisbonne, de Lausanne, de Madrid et de San G. en Italie :

« Quand on sent que le temps va tourner à l'orage,

Il vaut mieux s'aviser de prendre un peu de champ,


Puis reprendre la route, en roulant, en marchant,

En se laissant porter au loin comme un nuage. »

 Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter bon voyage, c'est à dire : bonne lecture.

Quatrième de couverture


« À première vue, penserez-vous sans doute en lisant ce livre (mais lisez-le d'abord), ce sont plutôt des incidents que des accidents qu'il raconte. Mais «incidents de la circulation», ça ne se dit pas, alors qu'il existe cette belle expression : "incidents de frontière", qui peut-être aurait mieux convenu. Gardons-la pour un autre livre. Et d'ailleurs : quelle frontière ? Eh bien, celle qui passe par exemple entre le troisième et le dixième arrondissement de Paris, entre Montreuil et Bagnolet, le long d'une voie ferrée désaffectée en Bourgogne ou dans un jardin botanique de Madrid. Car (on a beau circuler) c'est toujours et partout la même : invisible, certaine, de plus en plus proche. Est-ce qu'on va enfin la franchir ? Oui, mais rien ne presse. »

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